Harry Nuriev Carpenters
Photo Benjamin Baccarani, fournie par Crosby Studios

Harry Nuriev, Designer de l’année 2026 : le regard qui transforme

Maison&Objet célèbre une nouvelle fois une vision du design capable de bousculer nos usages et nos perceptions. Cette fois, c’est le fondateur de Crosby Studios, Harry Nuriev, qui en signe la scénographie. Un hommage à une approche profondément contemporaine du mobilier et de l’espace : celle du Transformism.

Designer of the Year 2026, une distinction qui vient confirmer une trajectoire singulière

Nommé Designer of the Year 2026 par le salon Maison&Objet, Harry Nuriev s’apprête à dévoiler en janvier une installation immersive dans la halle d’entrée de Paris-Nord Villepinte. Une scène à sa mesure, dans laquelle il entend explorer la manière dont le mobilier façonne nos vies, non comme un décor figé, mais comme une matière vivante, évolutive, habitée. Pour Maison&Objet, qui place cette édition sous le thème Past Reveals Future, le choix de Nuriev s’impose comme une évidence. Depuis plus de dix ans, ce créateur à la croisée des disciplines déconstruit les codes esthétiques et les usages, en injectant dans chaque projet un mélange assumé d’art, de design, de mode et d’histoires personnelles.

Maisons royales : carte blanche du Mobilier National avec Nuriev
Maisons royales : carte blanche du Mobilier National avec Nuriev

La nomination officialisée début octobre 2025 marque un nouveau jalon dans une carrière déjà riche d’une trentaine de projets par an à l’international. Originaire de Stavropol, en Russie, formé à Moscou, installé à New York puis à Paris, Nuriev déploie depuis 2014 une œuvre à la fois radicale et sensible sous la bannière de son studio Crosby. Balenciaga, Nike, Baccarat, Mobilier National, Dover Street Market, H&M, Louvre, Art Basel… les collaborations s’enchaînent, sans jamais diluer l’intention. C’est justement cette fidélité à une vision, à contre-courant du design de la nouveauté permanente, que Maison&Objet vient aujourd’hui saluer.

Musée du Louvre et Harry Nuriev
Musée du Louvre et Harry Nuriev

Le Transformism : une esthétique de la réinterprétation

Le cœur du travail d’Harry Nuriev, ce n’est pas une forme ni un matériau. C’est un regard. Un regard qui choisit, qui isole, qui révèle. Une manière de transformer les choses sans les effacer, de redonner un rôle à ce qui semblait périmé ou invisible. Le Transformism, qu’il formalise en 2025 dans un manifeste, devient le socle de sa démarche. Dans ce texte dense, Nuriev écrit : « Nous vivons dans un monde saturé d’objets, de données, d’images. Le vrai défi n’est pas d’inventer, mais de percevoir. » Il ne part jamais de rien. Il entre dans un lieu, dans une matière, dans un récit et il choisit. Ce qui résonne, ce qui porte encore une voix. Ce qu’il peut amplifier.

Collection Denim de Nuriev chez Carpenters

La scénographie qu’il prépare pour Maison&Objet s’annonce dans cette lignée : un espace de contemplation active, dépouillé mais habité, où chaque pièce devient totem. Il ne s’agit pas de détourner pour l’effet, mais de rendre leur densité aux objets. Entre mobilier du quotidien et sculpture mentale, les créations de Nuriev racontent quelque chose de notre époque : la surabondance, la nostalgie, l’hybridation, l’attention portée à ce qui reste. Ce n’est pas un design de collection, c’est un design de révélation.

Un design ancré, libre, résolument contemporain

Ce qui distingue Nuriev, c’est peut-être cette capacité à faire dialoguer des univers que tout oppose. Dans sa galerie-studio rue des Beaux-Arts, à Paris, les objets qu’il conçoit prennent des allures de ready-made, mais toujours avec une écriture précise, graphique, parfaitement orchestrée. Une sphère de cristal noire côtoie des stylos Bic suspendus, un canapé semble fait de bouteilles plastiques, une bibliothèque surgit d’un tas de T-shirts. Et pourtant, tout cela tient ensemble. Comme un hommage discret à la Factory de Warhol, mais filtré à travers une conscience aiguë de la matérialité, du luxe et de la mémoire.

Harry Nuriev dans une boutique à Berlin
Harry Nuriev dans une boutique à Berlin – Photo Alejandro Arretureta

À travers ses projets récents (la collection Memorabilia pour la boutique du Louvre, les installations réalisées avec l’IA pour le Mobilier National, les vitrines de Baccarat réinterprétées comme frigos artistiques) Nuriev continue d’interroger le statut même du mobilier : est-ce un objet ? une expérience ? un signal ? En se plaçant à la croisée de l’art et de l’usage, il ouvre des pistes nouvelles pour penser l’intérieur. Ni décoratif, ni spectaculaire, son design invite à ralentir, à observer, à s’entourer autrement. Et c’est sans doute cela, aujourd’hui, que Maison&Objet a voulu mettre en lumière.