Le restaurant du Mama Shelter Dijon

Mama Shelter Dijon : un hôtel design pas comme les autres

Difficile d’imaginer que ce bâtiment des années 60 puisse aujourd’hui accueillir l’un des hôtels les plus inspirants de la ville. Et pourtant. Derrière sa façade de verre et de béton, subtilement mise en valeur, le Mama Shelter Dijon propose une expérience audacieuse, sensorielle, joyeusement décalée. Nous avons poussé ses portes et découvert comment un lieu ordinaire peut devenir un manifeste de design, d’hospitalité et d’identité bourguignonne.

Une réhabilitation ambitieuse en plein cœur de Dijon

L’ancien siège de la CPAM de Dijon n’était pas, à première vue, un bâtiment voué à devenir un hôtel iconique. Et pourtant, sa transformation en Mama Shelter s’est imposée comme une évidence. Situé rue du Maret, à seulement six minutes à pied de la gare TGV et à quelques pas de la cathédrale Saint-Bénigne, ce volume de verre et de béton hérite aujourd’hui d’une nouvelle vie, plus vibrante, plus incarnée.

Le bâtiment, construit dans les années 60, porte l’héritage du brutalisme français : structure en béton massif, lignes orthogonales, large façade vitrée. Mais au lieu de masquer ou d’atténuer ce passé, le studio de création de Mama Shelter a préféré l’assumer, le détourner, le magnifier. Comme l’explique Benjamin El Doghaïli, architecte en chef de Mama, « une grande boîte en verre, lumineuse, à six minutes à pied de la gare, au cœur de la ville » : voilà le terrain de jeu. Et l’enjeu était de taille : réconcilier le caractère de l’existant avec l’identité joyeusement décalée de la marque.

Le Mama Shelter de Dijon vu de l'extérieur

La façade a été adoucie par l’ajout de pierres blondes de Bourgogne, en écho au patrimoine local. À l’intérieur, les piliers en béton brut — trop présents pour être ignorés — ont été transformés en pièces centrales du récit spatial. Dans le lobby comme au restaurant, ils deviennent supports de fresques signées Beniloys ou de céramiques dorées d’Arnold du Bazar d’Alger, apportant chaleur, contraste et profondeur. Un travail d’orfèvre, réalisé « en respectant les règles des Bâtiments de France », sans jamais figer l’espace dans une lecture patrimoniale figée.

Un hôtel qui s’amuse avec les codes, entre Dijon et ailleurs

Dès l’entrée, on reconnaît la signature Mama Shelter : un univers graphique dense, des références ludiques, une esthétique joyeusement hybride. Mais à Dijon, cette grammaire visuelle se teinte d’accents locaux. Le studio de création a travaillé en finesse, intégrant des clins d’œil à l’architecture bourguignonne et à son terroir sans jamais sombrer dans le pastiche.

Le restaurant du Mama Shelter Dijon

Dans le restaurant, les chaises de bistrot en cannage coloré — jaune, terracotta — évoquent les fameuses toitures polychromes de la région. On retrouve ce cannage jusque dans les têtes de lit. Les sols sont ponctués de tapis conçus par Laureline Gaillot, où s’entrechoquent des osselets en mémoire des fouilles archéologiques menées sur place. Et, suspendu dans la grande salle, un lustre monumental en céramique émaillée, imaginé avec la Faïencerie de Charolles, reprend la géométrie des toits vernissés, transformant le plafond en paysage.

Le restaurant du Mama Shelter Dijon

« Cela permet d’avoir plusieurs points de vue et d’apporter un peu plus de fantaisie », résume Benjamin El Doghaïli. Ce mélange assumé entre les classiques Mama et les évocations de la vigne, du vin, de l’histoire médiévale de la ville permet de composer un univers double, à la fois familier et singulier. Un Dijon réinterprété à travers le prisme Mama, sans jamais l’effacer.

Une chambre pensée comme une bulle, entre confort et fantaisie

Passons aux chambres maintenant. La “Large Mama Double Bow Window” que nous avons testée ne donne ni sur la ville, ni sur les toits de Dijon. Et pourtant, elle réserve une vraie surprise. Située au premier étage, elle s’ouvre sur le patio intérieur qui accueille la salle du restaurant, avec un balcon d’hiver privatif, isolé par une large baie vitrée. On y prend un café à l’abri des regards, tout en observant la vie en contrebas — comme depuis une loge suspendue.

La loggia de la chambre double Bow Window

Le soir, même quand le DJ anime la salle, le calme règne côté chambre. L’isolation est remarquable. Et le lit… fidèle à la réputation de Mama Shelter : ferme, moelleux, enveloppant. Un tel niveau de confort que la marque a fini par le proposer à la vente. Draps en coton satiné, matelas et surmatelas made in France, tout est pensé pour faire du sommeil une expérience en soi.

Une chambre double Bow Window au Mama Shelter de Dijon

Le reste du mobilier compose une scénographie à part entière. On y retrouve le goût de Mama Shelter pour les pièces affirmées, les détournements subtils et les matières expressives. Une lampe Lensvelt signée Studio Job trône sur le bureau au plateau en damier. Une chaise Option de chez Puik invite à s’asseoir. Un pouf à bouclettes de chez Pols Potten ajoute une note tactile, entre douceur et excentricité. Tom Dixon s’invite quant à lui dans la salle de bain avec sa collection signée avec Vitra.

Accrochés aux abats-jour, un masque de dalmatien et de Dark Vador (d’autres chambres arborent un Titi ou des super héros) viennent rompre avec le sérieux du décor. Ces pièces ludiques agissent comme un clin d’œil à l’enfance, à l’humour Mama. Une fantaisie diffuse, mais maîtrisée. On est dans un hôtel design, mais on ne s’y prend jamais au sérieux.

Salle de bain signée Tom Dixon au Mama Shelter de Dijon

Un manifeste vivant du design hospitalier et ludique

Mama Shelter Dijon n’est pas une simple adresse hôtelière, c’est une déclaration d’intention. Celle d’une marque qui, depuis ses débuts, fait le pari d’un design accessible mais exigeant, d’un luxe décomplexé, d’une convivialité pensée dans ses moindres détails. À Dijon, cette philosophie prend une dimension nouvelle, plus ancrée, plus contextuelle.

La scène du DJ du Mama Shelter Dijon

Le travail mené par Benjamin El Doghaïli et son équipe ne se contente pas de juxtaposer des objets ou des références. Il fabrique du sens. « Saisir le paysage bourguignon, l’inviter entre les murs du Mama, tel était mon but », confie-t-il. Et cela passe par des choix assumés : collaborer avec des artisans locaux, détourner les objets du quotidien (comme les paniers de vendangeurs devenus luminaires), jouer avec les textures et les souvenirs.

Dans un monde hôtelier où l’uniformité menace souvent les expériences, Mama Shelter Dijon offre un contre-modèle réjouissant : un lieu qui ne cherche pas la perfection mais l’émotion, qui ne gomme pas le caractère de l’existant mais le révèle. Où l’on peut déguster un verre, dormir profondément, travailler ou chanter au karaoké, sans jamais perdre ce fil conducteur : un regard créatif, joyeux et libre sur l’hospitalité.