On ne s’attendait pas forcément à voir un trône inspiré du Joker rejoindre le palmarès d’un grand prix international du design. Et pourtant, le Joker Throne, pièce créée par Stellantis Design Studio en collaboration avec Formitalia, vient de décrocher un Archiproducts Design Award 2025, l’une des distinctions les plus suivies dans l’univers du mobilier contemporain.
Présenté au Salone del Mobile en avril dernier, ce fauteuil sculptural a surpris par sa manière d’assumer pleinement l’esthétique sombre et déstabilisante du célèbre personnage de DC. Un objet qui ne cherche ni la discrétion ni le confort évident, mais qui revendique une présence, presque une mise en scène.
Une collaboration singulière entre industrie, artisanat et culture pop

Avant d’être un fauteuil primé, le Joker Throne est le résultat d’une rencontre inhabituelle. Celle du Stellantis Design Studio, l’entité créative du groupe automobile installé entre Paris, Turin, Detroit ou encore Shanghai, et de Formitalia, maison italienne reconnue pour son savoir-faire dans le mobilier haut de gamme. À leurs côtés, Warner Bros. Discovery Global Consumer Products apporte l’univers du Joker, et surtout la liberté d’interpréter ce personnage d’une manière plus atmosphérique que littérale.

L’idée n’a pas surgi d’un simple brief. Le studio raconte avoir travaillé d’abord sur un climat, une sensation : « à quoi pourrait ressembler un repaire du Joker ? », « comment transposer son imprévisibilité dans un intérieur ? ». On sait qu’ils ont utilisé l’intelligence artificielle non pas pour dessiner les pièces, mais pour composer des ambiances, des fragments d’images capables de déclencher une direction créative. Le design est venu ensuite, presque comme une condensation de ces expérimentations.

C’est à ce stade que Formitalia intervient, en transformant ces intentions abstraites en objets réels. Leur maîtrise des matériaux, des laques profondes, des fibres sculptées à la main, permet d’arrimer cette vision à un savoir-faire tangible. La collection prend alors forme : un fauteuil Asylum aux lignes tordues, un canapé Chaos déconstruit, un sofa Smile aux asymétries assumées… et bien sûr le Joker Throne, pièce centrale et la plus incarnée de l’ensemble.
Une collection dévoilée au Salone del Mobile 2025 comme un véritable décor narratif
En avril 2025, au Salone del Mobile de Milan, la Joker Collection n’était pas présentée comme une série d’objets isolés, mais comme un espace complet. Un décor immersif pensé pour traduire cette tension entre provocation, humour noir et artisanat italien. Les visiteurs n’entraient pas dans un stand, ils pénétraient dans une mise en scène.
Dans cette installation, le Joker Throne occupait une place particulière. Sa coque de fibre de verre, travaillée comme une sculpture, ses couches de laque noire où glissent des reflets rouges, sa posture presque arrogante, donnaient immédiatement le ton. Ce fauteuil n’avait rien de fonctionnel au sens classique. Il revendiquait une présence, un statut, une théâtralité.
Ce qui séduisait dans cette première présentation, c’était cette manière de faire dialoguer un imaginaire très codifié, celui du Joker, avec une culture du design qui, elle, mise sur les nuances, le savoir-faire, le rapport à la matière. La collection ne cherchait pas la caricature. Elle cherchait l’ambiguïté.
Le Joker Throne, une pièce iconique relevée par la tension et la provocation
Pris individuellement, le Joker Throne fonctionne presque comme une créature. La pièce attire, dérange, interroge. On est face à un fauteuil qui ne cherche pas à être confortable avant d’être expressif. Tout, dans sa silhouette, semble vouloir raconter quelque chose : l’excès, la dualité, le narcissisme assumé du personnage qui l’inspire.

Ce n’est pas un trône au sens médiéval du terme. C’est un objet de tension. Un mobilier qui s’autorise l’excès visuel et l’humour noir. Et c’est précisément cette singularité qui le distingue. Le Joker Throne ne cherche pas à s’inscrire dans une tendance ; il ouvre plutôt une brèche dans ce que peut devenir un objet de luxe lorsqu’il accepte de quitter les registres de la douceur et de la neutralité.
Une récompense internationale qui confirme son statut
Lorsque les Archiproducts Design Awards 2025 l’ont distingué en novembre à Milan, la surprise n’était pas totale car le fauteuil faisait déjà partie des pièces les plus commentées du Salone. Mais la reconnaissance reste forte. Les ADA comptent parmi les prix qui scrutent chaque année les écritures émergentes du design mondial, et c’est cette lecture qui rend le prix intéressant : voir une pièce aussi sombre, volontairement provocatrice, trouver sa place dans un palmarès habituellement plus sage dit quelque chose de l’évolution du secteur.
Klaus Busse, Head of Stellantis Design Studio, résume ainsi la démarche : « Cette collection est une déclaration audacieuse de dualité et de conflit, capturant l’esprit chaotique et mystérieux du Joker. » Une phrase qui pourrait sembler conceptuelle, mais qui prend ici tout son sens. Le Joker Throne est une pièce de design, mais aussi une expérience esthétique, un geste culturel, presque un manifeste.

