Designer of the Year 2025 pour Maison&Objet, Faye Toogood incarne une nouvelle génération de créateurs qui refusent les étiquettes. À la fois artiste, designer, styliste et architecte d’intérieur, la Britannique trace un chemin singulier, nourri d’intuition, de matières franches et d’une sensibilité sans compromis.
Faye Toogood, une designer inclassable
Ceux qui cherchent à faire entrer Faye Toogood dans une case auront du mal. Formée à l’histoire de l’art et passée par le journal The World of Interiors, elle fonde son studio éponyme à Londres en 2008, avec l’idée claire qu’un objet n’a pas à choisir entre l’usage et l’émotion. Depuis, elle multiplie les projets entre mobilier, scénographie, objets, vêtements et installations.
Son univers ? Une esthétique brute, presque primitive, où les formes arrondies et les volumes généreux côtoient des matières franches comme le plâtre, la céramique, le bronze ou le bois. Le tout avec une poésie qui touche à l’archétype. Pas de décor superflu, mais un travail de la forme pure, ancré dans le geste et le sensible.
De la Roly-Poly à Maison&Objet
C’est en 2014 que le grand public découvre véritablement son travail avec la chaise Roly-Poly, devenue une icône du design contemporain. Son assise creusée, ses quatre pieds massifs arrondis : une pièce tout en rondeur, à la fois ludique et monolithique, inspirée de la maternité.
Depuis, Faye Toogood a collaboré avec Hermès, Comme des Garçons, Carhartt WIP ou encore des éditeurs comme Hem ou cc-tapis. Elle a aussi imaginé des intérieurs puissants et minimalistes, comme ceux du flagship Carhartt à Londres et signé plusieurs collections de vêtements sous sa propre marque TOOGOOD.
Un univers entre art et artisanat
Ce qui frappe chez Faye Toogood, c’est cette capacité à osciller librement entre les sphères du design, de la mode et de l’art contemporain, sans jamais perdre sa ligne. Son studio fonctionne comme un atelier pluridisciplinaire, où le prototypage, le modelage et l’expérimentation priment sur les outils numériques.
Son langage formel s’appuie sur une réinterprétation des gestes ancestraux façon potier, sculpteur, couturier et s’ancre dans une recherche permanente de textures, de sensations, de récits personnels. Elle revendique une approche instinctive : « Je pense avec mes mains », confiait-elle dans un entretien. Une phrase qui résume assez bien son rapport au monde.
Une scénographie immersive pour Maison&Objet 2025
Pour Maison&Objet, qui l’a nommée Designer of the Year 2025, Faye Toogood a conçu une installation immersive, à mi-chemin entre galerie et abri primitif. On y découvre des pièces inédites, modelées à la main, comme sorties d’un monde intérieur. Pas de démonstration technique, pas de mobilier bavard : juste des formes, des textures, des ombres et ce sentiment que le design peut aussi se vivre comme une expérience introspective.
Maison&Objet célèbre ici une œuvre qui échappe aux codes, et qui interroge le rôle du designer dans un monde saturé d’objets. Faye Toogood ne dessine pas des produits : elle construit des atmosphères, des bulles de silence et de matière dans lesquelles le regard peut s’attarder.
Ce que son travail nous dit du design contemporain
La consécration de Faye Toogood est révélatrice d’un mouvement de fond : celui d’un design plus lent, plus sensoriel, plus libre. Dans un contexte où l’objet est souvent jugé à l’aune de sa performance ou de sa nouveauté, elle nous rappelle que le mobilier peut aussi toucher à l’intime, au tactile, à l’imaginaire.
En 2025, le design ne cherche plus seulement à résoudre des problèmes ; il raconte des histoires, transmet des sensations, évoque des gestes oubliés. Et c’est peut-être là que se joue l’essentiel.