À Bordeaux, une ancienne église du XIXe siècle s’apprête à renaître… sous forme de bureaux. Dans un quartier paisible, entre Jardin Public et Chartrons, le projet mené par ZW/A pour le compte de BOPE bouleverse les codes et les perceptions. Comment redonner lumière, verticalité et cohérence architecturale à un édifice sacré défiguré par sa transformation en résidence sénior ? Comment y installer des espaces de travail sans trahir l’esprit du lieu ? Ce chantier radical (mais plein de retenue) assume ses cicatrices, réouvre les baies, repense les volumes et inscrit cette église dans une nouvelle dynamique urbaine.
Réparer plutôt que reconstituer
Derrière les murs austères de pierre blonde, l’église Saint-Joseph-des-Carmes porte les stigmates d’une histoire mouvementée. Construite au XIXe siècle, puis transformée en maison de retraite dans les années 1980, elle a perdu une grande partie de sa spatialité d’origine. Plafonds abaissés, baies obstruées, volumes morcelés… la dernière reconversion a effacé les repères architecturaux majeurs de l’édifice. L’agence ZW/A, en charge du projet, a choisi d’aborder cette situation non pas comme une page blanche, mais comme un récit à poursuivre. Le lieu est abîmé, mais encore habité de mémoire. Il ne s’agira donc pas de le restaurer à l’identique, ni de masquer les strates du passé, mais de révéler ses traces, d’en faire des points d’ancrage pour un nouveau programme.
La transformation revendique une approche sensible, presque chirurgicale, où chaque intervention s’inscrit dans un dialogue subtil entre l’ancien et le contemporain. À l’intérieur, certains planchers béton seront supprimés pour libérer des hauteurs sous voûte et redonner souffle aux volumes. Les baies murées seront rouvertes pour faire entrer la lumière naturelle et rétablir la relation avec l’extérieur. Une requalification du chevet et des bas-côtés est également prévue, dans une écriture contemporaine assumée. L’objectif n’est pas de faire oublier l’église, mais de composer avec son héritage, dans un geste architectural à la fois humble et affirmé.
Un espace de travail ancré dans le patrimoine
Cette réinterprétation de l’existant s’inscrit dans une ambition plus large : faire de l’église un lieu de travail vivant, ouvert, connecté à la ville. Le maître d’ouvrage, BOPE, n’en est pas à son premier défi. À Paris comme à Nantes, la société revendique une approche hybride du bureau : des espaces opérés mêlant flexibilité, qualité d’accueil et services intégrés. L’église bordelaise, future adresse emblématique de BOPE, poussera cette logique un cran plus loin, en intégrant les codes d’un coworking haut de gamme dans un cadre patrimonial inédit.
Selon les premières informations diffusées, l’intérieur comprendra des bureaux privatifs, des salles de réunion, des phone boxes, des espaces partagés et un café en rez-de-chaussée. Mais c’est surtout l’expérience sensorielle et architecturale qui marquera les esprits : “Au dernier étage, une salle de conférence nichée sous les voûtes, avec une vue imprenable sur la rosace de l’église”, promet l’entreprise. Ce type de lieu ne se contente pas d’offrir des mètres carrés à louer : il propose un rapport au travail transformé, où la lumière, la hauteur, l’histoire deviennent des sources d’inspiration.
Une nouvelle centralité pour le quartier
Inscrite dans le tissu urbain dense du quartier du Jardin Public, à quelques pas des Chartrons, l’église transformée jouera aussi un rôle dans la dynamique de son environnement. La réouverture du porche sur l’espace public et la création d’un café en font un lieu traversant, habité, accessible. ZW/A parle d’un projet “révélateur”, capable de créer des porosités nouvelles entre intérieur et extérieur, entre espace de travail et espace de vie. La lumière devient ici un vecteur de lien, de lisibilité et de confort.
Cette volonté de recréer une forme d’extériorité, de rendre l’église à nouveau visible et fréquentable depuis la rue, dépasse l’enjeu purement fonctionnel. Elle interroge la place du travail dans la ville, la capacité d’un lieu à conjuguer mémoire, activité et hospitalité. En transformant un édifice sacré en lieu professionnel sans le dénaturer, le projet explore une voie de réinvention architecturale, où le patrimoine devient support d’usages contemporains, sans nostalgie ni effacement.
Quand l’histoire inspire le design
Avec cette reconversion, c’est toute une réflexion sur l’adaptation des lieux à de nouveaux usages qui prend forme. Le défi ne réside pas uniquement dans l’esthétique ou la faisabilité technique. Il se joue dans l’équilibre entre la monumentalité du passé et les exigences d’un quotidien fonctionnel, modulable, confortable. En ce sens, Saint-Joseph-des-Carmes devient un laboratoire d’architecture contemporaine appliquée au patrimoine.
La démarche de ZW/A, soutenue par la vision de BOPE, s’inscrit dans un mouvement plus large d’économie de la transformation : construire moins, transformer mieux. En réinvestissant des lieux existants, en jouant sur les contrastes entre matières brutes et aménagements soignés, lumière naturelle et technologie discrète, cette nouvelle adresse bordelaise affirme une autre manière de concevoir les lieux de travail. Moins standardisée, plus narrative. Et sans doute plus inspirante.